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Rencontre entre Falstaff et Dom Juan

Option Théâtre - Trimestre 1, 2016-2017

Nous avons écrit une scène transcrivant la rencontre entre deux personnages intemporels, l’un du théâtre élisabéthain et l’autre du théâtre classique, l’un anglais et l’autre français, l’un de Shakespeare et l’autre de Molière : deux grands séducteurs connus par tous les férus de théâtre, Sir John Falstaff et Dom Juan. Lors de cette scène, une dispute survient sur qui est le plus grand charmeur mais évidemment, comme le souligne l’Aubergiste à la fin, ce n’est qu’une bataille stupide de deux hommes aux égos surdimensionnés.
Le texte est accompagné d’un enregistrement audio.

L’Auberge de la Jarretière. Falstaff rentre, il a beaucoup bu.

Falstaff : … Oui, alors… C’est… Qui, déjà ?... Ah ! Madame Duflot, qui me fait sortir de chez elle après que ses domestiques m’eurent sorti du panier à linge !

Aubergiste : Voilà une bien triste histoire. Si ma femme me fait ça un jour, je vous garantis qu’elle le regrettera ! Mais sinon, Madame Duflot, elle ne serait pas la femme de M. Duflot ?

(Entre Dom Juan)

Falstaff : En effet, il me semble que c’est le cas, mais c’est un détail purement insignifiant. Je fais la cour à Mme. Duflot comme quelqu’un d’expert en la matière mais je vous avoue que mes intentions ne sont pas très honnêtes, et que je compte fleurette à Mme. Duflot uniquement pour sa fortune. De plus, je me lasse très vite de mes conquêtes. Imaginez-moi, coincé avec une femme qui me dicte faits et gestes ? Je suis un séducteur en herbe, je suis…

Aubergiste : Oui je vous comprends mon camarade...

Falstaff : …Je suis le plus grand charmeur de tous les temps ! Personne ne m’arrive à la cheville !

Dom Juan : Bonjour monsieur, j’ai tendu l’oreille et j’ai écouté le propos que vous teniez, et permettez-moi de vous contredire. Mais d’abord, s’il est de votre convenance, puis-je me présenter ?

Falstaff : Vous-êtes qui vous ? De quel droit interrompez-vous notre sérieuse discussion ?

Dom Juan, ignorant Falstaff  : Je suis Dom Juan, vivant à la recherche du plaisir et de la jouissance du temps présent. Quelques-uns me décriront comme cyniques, égoïstes et parfois destructeurs mais (ton ironique) bien malheureusement, ils ne sont plus encore en vie pour le témoigner. Unique et légitime séducteur de ce monde, je tenais donc à vous dire cher monsieur que vous êtes un imposteur.

Falstaff : De quel droit ! De quel droit me traitez-vous d’imposteur ? Je suis Sir John Falstaff ! Les femmes, aujourd’hui, aiment la chair fraîche et dynamique, elles aiment les hommes comme moi, jeunes, et beaux.

Dom Juan : Pardonnez-moi, « Sir » John Falstaff, mais je n’ai pas pu saisir l’intégralité de votre badinage, mais je peux vous assurer qu’en matière de chair fraiche votre position n’est pas la plus adéquate. Regardez votre embonpoint ! La courtoisie et la délicatesse ne sont pas vos points forts non plus d’ailleurs, alors que ce sont des traits primordiaux chez un bon séducteur. Egalement, c’est bien connu que les femmes sont attirées par l’argent, et j’en suis bien plus pourvu que vous. Vous en êtes réduit à séduire les femmes uniquement pour vous remplir les poches – la séduction est une chasse, un sport dont le but est le divertissement qu’une femme peut offrir grâce au magnifique corps dont Dieu l’a dotée. En outre, je possède un atout que personne d’autre ne possède : je suis un Don espagnol – vous n’êtes qu’un courtisan déchu, reconverti en pitoyable coureur de jupons.

Aubergiste : Je viens d’être frappé par une idée de génie. Pour déterminer qui de vous deux est le plus grand séducteur, vous n’avez qu’à faire une compétition. Voilà justement une jeune femme qui vient d’entrer – celui qui réussira à lui faire des avances se verra offrir un verre par l’autre et sera couronné le plus grand séducteur. Cela vous convient-il ?

Dom Juan : Parfaitement, merci cher ami. Sir John, je vous souhaite bonne chance, que le meilleur gagne – c’est-à-dire moi-même. Toutefois, je vous laisse commencer.

Falstaff : Vous ne me laissez pas commencer puisque je prends l’initiative de commencer. Sortez votre bourse, « Dom » Juan, puisque cette jeune dame va tomber à genoux devant moi.

(Don Juan et l’aubergiste échangent un regard)

Falstaff : Bonjour, jeune pucelle.

Jeune Femme, hésitante : Bonjour ? Qui êtes-vous ?

Falstaff : Je suis Sir John Falstaff. Toute l’Angleterre tremble devant mon nom. Même du visage de la reine émane la peur. Je suis beau, fort et riche et ne veux que te faire plaisir.

Jeune Femme : Cela est étrange, votre nom ne m’est pas familier du tout.

Falstaff, quelque peu déstabilisé  : Mais si voyons ! Sir John Falstaff ! En entendant mon nom, les lapins courent se cacher dans leurs terriers, les faons se recroquevillent près de leurs mères et les petits porcinets s’empressent de se plaquer contre le ventre de la truie ! Tremble, jouvencelle, tremble !

Jeune Femme : (en aparté) Quel personnage grotesque ! (A Falstaff) Vous puez l’alcool ! Je suis vraiment confuse, votre nom ne me dit absolument rien. Néant, Sir Falstaff.

Falstaff : Petite sotte ! On ne se moque point du grand Sir John Falstaff ! Je suis furieux, tu entendras de mes nouvelles !

(Falstaff revient, penaud, vers Dom Juan et l’Aubergiste.)

Dom Juan : Il me semble que c’est à moi. Dommage, Sir John, j’étais prêt à sortir une petite pièce de ma bourse. Bref, regardez cela et prenez-en de la graine. (A la Jeune Femme) Chère demoiselle, que vous êtes ravissante. Cette parure rose vous sied à merveille et fait magnifiquement ressortir vos yeux bleus tempête.

Jeune Femme, un peu flattée  : Vous êtes ?

Dom Juan : Pardonnez ma maladresse. Je suis Dom Juan d’Espagne, confident du roi et venu à Windsor après avoir entendu conter votre beauté. Je vous admire, chère dem…

Jeune Fille : Dom Juan vous dites ? Ah ne pensez pas que Windsor n’a pas entendu parler de vous, malsain coureur de jupons ! Vos demoiselles à n’en plus finir que vous abandonnez après les avoir conquises ! Dire que j’ai failli tomber dans vos bras !

Dom Juan : Mais, ma belle…

Jeune Femme : Déguerpissez, hors de ma vue ! Allez rejoindre votre pathétique ami Sir John Falstaff !

Dom Juan : Chère demoiselle, je tiens à vous souligner que Sir John n’est point mon ami. Mais si tel est votre souhait, je m’en vais de ce pas. (Il s’en va.)

Aubergiste : Alors l’ami ?

Dom Juan : Elle a dû fuir devant tant de beauté, de virilité, de masculinité et de puissance !

Falstaff : Evidemment. Restez digne, Dom Juan, acceptez la défaite. Vous n’êtes pas plus fort que moi.

Dom Juan : Jamais ! Je serai toujours plus séduisant que vous, vulgaire personnage !

Aubergiste : Eh bien, il me semble qu’il est impossible de départager qui de vous deux est le plus séduisant. (En aparté) En réalité, pour moi, aucun des deux… Il est plutôt impossible de départager lequel des deux a le plus grand égo !

FIN

Enregistrement Audio de la Scène :

L’Aubergiste et la Jeune Femme - Jennifer
Falstaff - Elina
Dom Juan - Martin